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Résilience & permaculture

Notions de base

L’idée ici n’est pas de réécrire un livre sur la permaculture, mais de comprendre en quoi celle-ci vient appuyer la Famille dans sa transition vers un mode de vie plus résilient et plus près de la nature.
En fait, il me semble à peu près impossible de penser la résilience (et l’autosuffisance) sans se référer au concept de permaculture – concept qui connait une popularité croissante et auquel se joint de plus en plus d’adeptes à travers le monde, notamment au Québec. À travers l’aventure de la Famille résiliente, la permaculture occupe donc une place centrale. On s’en inspire d’une part pour la conception générale des jardins (en référence à ce qu’on appel communément les « zones ») et la culture des sols, mais également parce que la notion même de résilience est au cœur des principes et valeurs portés par la permaculture.

C’est quoi ça, la permaculture ?

La permaculture a été inventé vers le milieu des années 1970 par Bill Mollison et David Holmgren, qui ont développé un ensemble de stratégies et de principes parmi les plus avant-gardistes à travers le monde en matière de conception (« design ») et de gestion d’écosystème viables1 (voir Permaculture One, publié en 1978, et Permaculture : A Designer’s Manual, publié en 1988).

Le concept semble avoir beaucoup évolué au fil du temps, si bien qu’il existe aujourd’hui un grand nombre de définitions, allant des plus vagues aux plus détaillées. Rien ne sert donc de réinventer la roue. Cette définition tirée du dernier livre de David Holmgren, RetroSuburbia, semble être l’une des propositions les plus à jour, tout en proposant un pont avec le concept de résilience :

“A design system for resilient living and land use based on universal ethics and ecological design principles. Although the primary focus of permaculture has been the redesign of gardening, farming, animal husbandry and forestry, the same ethics and principles apply to design of buildings, tools and technology. Applying permaculture ethics and principles in our gardens and homes inevitably leads us towards redesigning our ways of living so as to be more in tune with local surpluses and limits. Permaculture is also a global movement of individuals, groups and networks working to create the world we want, by providing for our needs and organising our lives in harmony with nature.”

David Holmgren, RetroSuburbia.

Les grands principes de la permaculture

Comme on peut le constater à la lecture de l’article « Qu’est-ce que la résilience ?« , la Famille résiliente en est une dont les actions visent à s’adapter aux nombreux changements que connaîtront nos sociétés au fil des générations. En jetant un coup d’œil au graphique ci-dessous, tiré du site Permaculture principles (traduction libre), on comprend aussitôt que les principes de la permaculture ne se limitent pas à un ensemble de stratégies de jardinage, mais englobent une vision plus large du rapport à la nature, à l’être humain, à la société et au changement (voir principe # 12). Une vision fortement axée sur la résilience.


Les zones

Le zonage compte probablement parmi les propositions les plus connues de la permaculture. Il s’agit d’une pratique qui consiste à positionner stratégiquement les différents éléments de l’écosystème dans différentes zones représentées sous forme d’anneaux s’éloignant progressivement d’un point central, la maison (un peu comme les trajectoires des planètes dans le système solaire). Les zones sont généralement numérotées de 0 à 5, 0 étant la zone où l’on passe le plus de temps et où le besoin d’attention est le plus important (la maison), et 5 étant la zone sans activité humaine, à l’état sauvage, où aucune – ou presque qu’aucune- attention n’est nécessaire.

En ce qui concerne le détail des zones 0 à 5, un article du blogue sera dédié à cet effet prochainement. Je vous invite à rester à l’affût !

Famille résiliente et permaculture : quelques différences

La Zone OO

La Zone OO est un terme qui ne fait pas l’unanimité dans la littérature sur la permaculture. Bien que la majorité s’entend pour reconnaître ce qu’elle représente et son importance dans la démarche de transition, il existe un désaccord quant à l’utilisation de la notion de « zone » pour la représenter. Je mettrai ici de côté les questions de sémantique et pour les besoins de la cause, comme le terme est assez commode et très évocateur à mon sens, j’utiliserai le terme « Zone OO ».

Pour reprendre la définition de Ben Falk dans son ouvrage The Resilient Farm and Homestead, la Zone OO c’est l’humain, dans son être physique, intellectuel et spirituel (body, mind, self). C’est « l’espace que l’on occupe à chaque moment de chaque jour ». On l’aura compris, c’est-là où on passe le plus de temps, bien que nous y soyons à mon sens trop souvent absent, malheureusement.

Dans le cas qui nous concerne, la Zone OO occupe une place tout à fait centrale. C’est-là précisément que commence l’idée même de la Famille résiliente. C’est-là où tout se joue. C’est à la fois la cohésion du noyau familial, mais c’est aussi la santé et le bien-être véritable de chacun de ses membres.

C’est aussi là où, il me semble, la route est la plus ardue. Apprendre des techniques et des stratégies pour être plus autosuffisant, c’est pas très compliqué, suffit d’avoir la persévérance nécessaire. Confronter nos propres préjugés et idées préconçues, affronter nos plus grandes peurs, faire preuve d’humilité, se distancer de notre ego, s’ouvrir au changement, etc., ah… voilà le vrai test derrière l’aventure de la Famille résiliente.

Nous sommes tous et toutes un peu blessés par la société dans laquelle on vit, et qui nous entraîne chaque jour un peu plus loin de nous-mêmes, de ce qui importe vraiment. Accaparés par la routine, surstimulés, stressés, pressés, dépassés par les obligations, nous avons du mal à prendre du recul sur nos vies, sur ce qu’est la Vie, sur ce qui est bon pour nous et pour nos proches, aujourd’hui, et pour les générations qui nous suivent. On a du mal à vivre dans l’instant présent, et pourtant tout autant de difficulté à voir à long terme (et je ne parle pas de cotiser dans un fonds de pension !).

On n’a du mal à s’émerveiller, parce qu’on a du mal à distinguer ce qui est beau de ce qui est laid, tant on nous a appris à aimer le laid et ignorer le beau. L’un des plus grands mensonges qu’on nous ait appris, d’ailleurs, c’est que la beauté est subjective. La beauté saute aux yeux, mais le laid sait si bien se déguiser de nos jours qu’on en vient à confondre les deux.

Bref, la véritable résilience ne vient pas de facto avec une terre et l’application de quelques principes d’autosuffisance. Elle commence en nous-mêmes, individuellement, puis prend racine au cœur de la famille, au fur et à mesure que se tissent des liens harmonieux et durables. Concrètement, on prend soin de la Zone OO en s’accordant du temps pour soi-même, d’une part, puis en partageant du véritable temps de qualité en famille. En apprenant à se connaître réellement et à se respecter, tout comme on doit le faire avec la nature.

Le plus beau leg que l’on peut faire à nos enfants n’est donc pas celui d’une terre et d’un milieu de vie riche et accueillant, mais celui d’une famille vivante, soudée, riche de ses valeurs et de l’amour qui coule à travers chacun de ses membres.

Se préparer aux situations extraordinaires

La résilience est notamment conçu comme la capacité à surmonter ou faire face à un choc quelconque. Voilà qui tombe bien, parce que les prochaines décennies nous en réservent probablement plus d’un !

Par « choc », je fais évidemment référence à divers scénarios ou situations que l’on pourrait qualifier d’extraordinaires. Événements climatiques extrêmes (sécheresses, ouragans, tempêtes hivernales, etc.), catastrophes naturelles (tremblements de terre, éruptions volcaniques, tsunami, inondations, etc.), guerres (informatiques, économiques, nucléaires, etc.), grands mouvements de population, épidémies, etc.

Au-delà de ce qui a trait à la conception et la gestion d’écosystèmes dits « viables » ou « résilients », la permaculture s’intéresse peu à la question de la préparation à ce type de scénarios extraordinaires. Cette facette de la résilience n’en n’est pas moins fort importante, et c’est pourquoi une section de ce blogue y est d’ailleurs dédiée.

Sans trop m’éterniser sur le sujet ici, je tiens tout de même à mentionner qu’il me semble y avoir un profond tabou dans notre société par rapport à l’idée de se préparer en vue d’une catastrophe quelconque. Je dirais même plus, pour une raison que j’ignore toujours, le simple fait de parler d’éventuels scénarios extrêmes et de leurs conséquences probables est souvent suffisant pour s’attirer les regards moqueurs. Quoiqu’il est vrai que le mouvement dit de « survivalisme » a parfois laissé place à ce que je considère comme une exagération axée davantage sur l’amour des armes à feu et des gadgets plus qu’autre chose, n’empêche, un principe de base demeure : se préparer à survivre, peu importe la situation.

Ce n’est pas surprenant, néanmoins, que la majorité de la population ne prête que peu d’intérêt à la survie. Premièrement, les individus et les sociétés ont la mémoire très courte et deuxièmement, la vision à long terme n’est pas la force de la génération qui nous a précédé, de la nôtre, ni de celle qui nous suit, disons-le ainsi. On le voit on ne peut plus clairement actuellement avec la question des changements climatiques. C’est comme si les scénarios catastrophes n’étaient bons que pour les films, les séries télés et les nouvelles du soir.

Or, ces scénarios sont on ne peut plus réels et probables, comme le montre par exemple l’année 1816, mieux connue sous le nom de « The Year Without a Summer« . En Nouvel-Angleterre, pas très loin de chez nous, six pouces de neige sont tombés en juin et chacun des mois de l’année 1816 a été touché par des gelées glaciales. Comme le dit bien Ben Falk, « A year without a summer is not « likely » to happen again – it’s garanteed to. It’s merely a question of when, not if ». J’en reparlerai également dans un prochain article de blogue !

Posséder une terre

Une dernière différence importante entre le concept de Famille résiliente et les principes de la permaculture a trait à la question de posséder ou non une terre. Tandis que la permaculture comme telle n’implique pas nécessairement de posséder un petit ou plus grand lopin de terre – elle s’adresse ainsi autant à des gens vivant en ville qu’en campagne -, l’idée de la Famille résiliente proposée ici serait difficile à envisager en milieu urbain.

Certes, beaucoup de progrès ont été fait dans les villes ces dernières années afin de les rendre plus agréables à vivre, favoriser l’économie de partage, les commerces locaux, verdir les quartier, réduire la pollution, etc. Malheureusement, le contact régulier avec la nature – tout spécialement la nature sauvage -me semble tout simplement impossible en ville.

On aura beau construire des parcs urbains grands comme 5 terrains de football, concevoir des jardins communautaires, cultiver des plants de tomates dans les ruelles…ce ne sera jamais ni même près de la nature au sens où on l’entend ici. Sans compter le manque d’espace. Le célèbre auteur John Seymour2 écrivait qu’il faut « amener les animaux aux champs et non pas le contraire ». Eh bien je ne vois pas pourquoi ce serait différent pour nous. Je dis » Ramenons l’humain dans la nature, et non pas le contraire ».

  1. Voir la synthèse de Ben Falk, dans The Resilient Farm and Homestead, 2013.
  2. Voir l’ouvrage de John Seymour, Le grand guide marabout de l’autosuffisance, Édition originale 1976.
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