« On sait que les cultures génétiquement homogènes manquent souvent des mécanismes de défense naturels qui les protégeraient des ravageurs […]. Tant que la monoculture formera la base des systèmes agricoles, les ravageurs croîtront et se multiplieront » (ALTIERI, Miguel, FAO, 1995).

La monoculture fait communément référence à une pratique commerciale visant à se spécialiser dans la production de masse d’une seule espèce, au détriment de la biodiversité. On croit à tort depuis longtemps qu’il s’agit d’une pratique agricole, mais elle représente d’abord et avant tout un modèle de société où l’être humain incarne sans conteste le rôle du principal cobaye.

La COVID-19 n’est pas un monstre. Son apparition en soi n’est pas non plus une catastrophe pour l’humanité. Ce qui est grave, c’est sa progression rapide jusqu’à l’état de pandémie mondiale et les crises sanitaires, sociales et économiques qu’elle entraînera dans son sillage. Et le véritable fléau, lui, c’est qu’encore aujourd’hui personne ne se sent véritablement responsable.

Eh bien je me lance : si la crise frappera aussi fort, si les pertes seront si grandes, si tant de gens se retrouveront devant si peu, si tant de vies sont en jeu, c’est parce que, individuellement et collectivement, nous acceptons encore d’être les principaux cobayes de notre propre monoculture.

La production d’êtres humains à haut rendement

Dans le modèle actuel où règne la loi du court terme, les êtres humains sont une culture à haut rendement, produite à grande échelle, à l’écart de la nature et de la vie sauvage. Ils grandissent dans des environnements artificiels, stériles et peu propices à leur bon développement.

Comme dans toute bonne monoculture, le principe consiste à ne produire que les variétés d’humains offrant les meilleurs rendements à court terme et résistant le mieux aux différents stress qui leurs sont imposés. Le système est conçu ainsi de manière à encourager systématiquement les quelques variétés les plus productives.

Pour répondre aux besoins du marché et maximiser le rendement à plus long terme dans cet environnement de travail peu adapté aux besoins essentiels des humains, on a recours à la production d’individus spécialement modifiés en laboratoire, lequel on nomme communément « système d’éducation ».

Dès l’âge de cinq ans, les jeunes humains sont séparés de leurs parents. Ils apprendront progressivement les bases de la productivité et de la vie en captivité. Il s’agit d’une méthode ayant largement fait ses preuves. Non seulement assure-t-elle la production d’une relève plus docile, mais permet également aux adultes de recommencer à produire rapidement après la naissance.

La concentration de la production

Pour maximiser le rendement, la culture à grande échelle des êtres humains implique de concentrer le plus grand nombre d’individus possible par pied carré. On remarque que cette stratégie a porté fruit. Au cours des dernières décennies, de plus en plus d’êtres humains ont délaissé progressivement les campagnes et les milieux plus sauvages pour migrer vers les grandes villes.

Avec la concentration et la spécialisation de la production, axée autour d’une même culture à haut rendement, on remarque une baisse assez importante de la diversité au sein des êtres humains en général. C’est en fait le propre des monocultures que de séparer les cultures en production du reste de la nature et de la biodiversité environnante.

De même, on remarque également qu’en se concentrant dans les villes, les nouvelles variétés à haut rendement n’interagissent que de façon infime avec la nature sauvage. Par la force des choses, on constate alors une perte des savoirs traditionnels et de la diversité des profils, tandis que les compétences individuelles et collectives deviennent de plus en plus homogènes.

Le contrôle des maladies

La monoculture rend les productions plus vulnérables aux maladies. Compte tenu de la densité et de l’homogénéité des cultures, celles-ci peuvent se répandre rapidement au sein d’une même population.

Chez les humains, la dépression, par exemple, préoccupe tout particulièrement les spécialistes. Ceux-ci s’inquiètent de leur incidence importante sur le rendement des adultes, mais aussi de l’augmentation rapide des cas chez les individus adolescents – près de 30 % d’augmentation en dix ans. Une nouvelle maladie tout spécialement dommageable, le trouble du déficit d’attention (TDA), connaît également une progression sans précédent chez les plus jeunes.

Pour faire face à ce type de maladies, toute une gamme de pesticides – aussi appelés médicaments – ont été développés par l’industrie. Bien qu’aucun remède clinique n’existe pour le moment, l’utilisation régulière permet de freiner l’apparition des symptômes avec grande efficacité et de maintenir ainsi un taux de rendement fort appréciable chez les individus atteints. Pour de meilleurs résultats, on suggère maintenant l’utilisation de traitements préventifs dès l’adolescence.

En plus des maladies plus courantes comme la dépression ou le TDA, l’histoire nous montre également que les monocultures sont particulièrement vulnérables à l’éclosion de nouvelles maladies virales qui peuvent avoir des impacts considérables sur la production. Au début du 20e siècle, la Grippe espagnole a eu des conséquences dévastatrices sur les grandes productions d’êtres humains.

L’importance de la fertilisation

Pour pallier aux éventuelles baisses de rendement engendrées par ces maladies, la culture des êtres humains demande beaucoup d’intrants. Chez les adultes, l’argent agit comme engrais de synthèse. Étant donné la difficulté qu’a l’être humain à prendre naturellement racine dans ce type d’environnement artificiel, on utilise l’incitatif financier pour stimuler la croissance et la productivité.

Une fois les bonnes doses administrées, les humains sont habituellement en mesure de tolérer des conditions très difficiles, incluant une diminution des heures d’ensoleillement par exemple.

Généralement, l’utilisation d’un fertilisant complémentaire est fortement suggérée pour assurer des rendements stables tout au long de la saison. Le plus couramment utilisé est le café. Une belle percée a également été réalisée au cours des dernières années auprès des jeunes individus. Un nouveau produit liquide, nommé « boisson énergétique », semble permettre de devancer considérablement les perspectives de rendement.

Il est important de noter qu’une fois exposé à de tels engrais, l’humain tend à perdre progressivement sa capacité à survivre par lui-même et donc à tirer de son environnement les éléments dont il a besoin pour vivre de façon autonome. Il devient donc dépendant de l’apport régulier d’engrais de synthèse (principalement d’argent) pour subvenir à ses besoins de base. On a même constaté le début du processus de dépérissement chez des individus après aussi peu que deux semaines suivant la cessation des apports en engrais.

Et la COVID-19 dans tout ça?

Comme tous les êtres vivants de cette planète, quels que soient leur taille, leur nombre ou leur intelligence, l’être humain est un maillon parmi d’autres au sein d’un fragile équilibre naturel.

S’il existe autant de critiques partout dans le monde à propos des méthodes de production agricole basées sur la monoculture, c’est essentiellement que ce type de production fonctionne en totale contradiction avec la nature.

En siphonnant sans remord les précieuses ressources naturelles, en détruisant à un rythme fou la biodiversité qui l’entoure, en jouant avec le fragile équilibre de la nature par l’utilisation de produits chimiques et les modifications génétiques, l’humain s’est lui-même placé dans la mire de la sélection naturelle.

En délaissant les campagnes pour s’entasser par millions dans les villes et banlieues, l’humain s’est lui-même rendu vulnérable à la propagation rapide de maladies comme la COVID-19.

En ne dépendant que d’une seule source de revenus, en consommant plus que ce dont il a besoin et ce qu’il peut s’offrir, en troquant la terre et la forêt pour des tours à bureaux, en tournant le dos aux savoirs traditionnels, en oubliant l’essence du mot autonomie, l’humain s’est lui-même rendu vulnérable en situation de crise économique.

En coupant les ponts avec la nature, en troquant sa qualité de vie et sa liberté, en se réfugiant dans une réalité virtuelle et superficielle, en laissant aux garderies, télévisions et IPADs le soin d’éduquer leurs enfants, en dépendant de la Saint-Valentin pour se rappeler l’importance de s’aimer, l’humain s’est lui-même rendu vulnérable quand il se retrouve face à lui-même.   

Confinés à la maison, nous ne pouvons maintenant qu’espérer pour le mieux. Tout en croisant les doigts pour que le virus nous quitte sans trop de pertes humaines, nous redoutons tout autant, sinon plus, les conséquences bien méritées de la crise qui s’amorce.