* Cet article fait partie d’une série de sept articles intitulée “L’après-crise : choisir la résilience”.

Et si on travaillait moins ?

Notre génération jouit plus que jamais de ressources sur le plan technologique (je pense seulement aux machines à laver), mais également sur celui des connaissances. De plus, nous avons moins d’enfants que nos grands-parents, mais nous sommes pourtant moins présents pour eux. Nous travaillons beaucoup, bien sûr, mais pourquoi ? 

-Respirer le bonheur –

Ouf…Je touche une corde sensible de la pensée collective ici. Pour ceux qui s’inquiètent, rassurez-vous, je ne suis pas du type paresseux. Et je n’ai pas l’intention, ni aucun intérêt à vivre au dépend du système. Je ne vis pas non plus dans un monde utopique avec les licornes et les fées. Travailler moins, ça ne veut pas dire s’écraser devant la télévision avec sa bière et son sac de chips. En premier lieu, c’est plutôt l’idée de remettre en question le modèle actuel qui, semaine après semaine, d’une paie à l’autre, nous asservit dans un emploi répétitif, abrutissant, stressant, et qui n’a plus rien à voir avec l’idée qu’on s’en faisait au départ, avec nos aspirations passées. Tout ça, pour arriver à soutenir de peine et de misère notre mode de vie matérialiste. 

Quand on réalise que les heures manquent pour tout faire, le premier réflexe n’est pas de remettre en question notre horaire de travail. Jusqu’à ce que la maladie, la dépression ou les troubles d’anxiété ne nous force à `ralentir, la norme serait plutôt de couper dans le temps de qualité en famille, dans les activités essentielles à notre bien-être (relations sociales, activité physique, lecture, méditation, etc.), et dans les heures de sommeil…Des décisions qui auront tôt ou tard de graves répercussions sur la santé mentale et physique. 

Pourtant, pour ralentir son rythme de vie tout en priorisant la vie familiale et un mode de vie sain, il n’y a pas milles solutions : les parents doivent trouver le moyen de réduire le temps qu’ils consacrent ensemble au travail. 

Évidemment, cet exercice sera bien différent d’une famille à l’autre. Il dépendra de leur situation financière (salaire annuel, coussin financier, dettes, etc.), du type d’emploi qu’ils occupent, de l’ouverture de leur employeur immédiat, de leur capacité à changer d’emploi facilement, à retourner aux études, à diversifier leurs sources de revenus (ex. emploi salarié, entreprise individuelle, revenus de placement, revenus passifs (ex. vente d’un livre ou de formations numériques), etc.). Il existe ainsi de très nombreuses façons pour la famille d’organiser leur vie professionnelle afin de libérer du temps tout en générant suffisamment de revenus pour bien vivre au jour le jour tout en épargnant pour l’avenir. 

Libérer du temps pour la famille, c’est d’autant plus important quand les enfants sont jeunes. Si la mère (ou le père) peut rester à la maison pendant les premières années de vie des enfants, c’est un cadeau inestimable qui pourrait bien être l’une des meilleures décisions pour votre vie familiale. À cet effet, si vous souhaitez approfondir cette réflexion, je vous invite fortement à lire le livre “Respirer le bonheur”, de Jacynthe René. 

Par ailleurs, l’un des messages essentiels à retenir ici, c’est que réduire les heures de travail ne veut pas dire vivre dans la pauvreté et encore moins mettre en péril sa santé financière à long terme. En effet, être libre financièrement est un atout majeur pour la résilience. Comme le précise Pierre-Yves McSween dans son livre “Liberté 45” (1) : 

La liberté financière donne la capacité de faire les choses que l’on apprécie et de dire non à celles qui nous répugnent. La marde, on peut alors l’éviter. Prendre une année sans solde ? Changer d’emploi  ou de carrière ? Travailler moins ? Partir en voilier pendant deux ans ? Refuser un contrat d’un client payant ou une promotion qui ferait monter ton niveau de stress ? Ce que permet la liberté financière est variable pour chacun, mais le sentiment d’accomplissement qu’elle procure est universel 

(page 18).

Pour les lecteurs qui sont présentement dans la vingtaine, sans enfants, je vous suggère de lire ce livre sans attendre. Pour les parents dans la trentaine et plus, ce livre vous donnera assurément des conseils utiles pour planifier vos finances, mais il faudra miser sur autre chose que l’objectif de la liberté financière à tout prix à 45 ans. Il vous faudra développer vos compétences, diversifier vos sources de revenus, et surtout, surtout, aimer votre travail et vous préparer à changer quand ce ne sera plus le cas. 

Mais alors, si on aime réellement notre travail et qu’il nous offre une source de revenus intéressante, pourquoi travailler moins ? Rappelons d’abord que l’objectif ici en est un familial, c’est-à-dire que les parents choisissent de réduire le temps cumulé qu’ils passent au travail. Cela peut vouloir dire, par exemple, que l’un des deux parents travaille à temps partiel et que l’autre travaille à temps plein, ou que les deux travaillent un peu moins. Rappelons ensuite que le principe derrière la réduction des heures de travail est de pouvoir “Reconnecter avec sa famille”. Le parent qui travaille à temps plein et qui n’a pas l’impression de manquer de temps, qui est pleinement épanoui et possède une vie de famille formidable ne ressent peut-être pas la nécessité de réduire ses heures de travail. D’un autre côté, celui qui néglige sa santé et qui travaille autant qu’il peut pour s’échapper de sa vie de famille devrait se poser des questions. On peut aimer son travail et être un parent distant, et malheureux, dans une famille divisée, sur le bord de l’éclatement. 

Pour notre part, nos deux enfants (2 et 4 ans) sont présentement à la maison avec leur mère quatre jours par semaine, et avec leur grands-parents une journée par semaine. En ce qui me concerne, j’ai récemment débuté un nouvel emploi que j’occupe présentement à temps plein. Après discussions, ma conjointe et moi en sommes venu à la décision que cette répartition de l’horaire de travail familial était celui qui nous convenait pour l’instant. Nos choix de vie nous permettent aujourd’hui d’envisager plusieurs scénarios différents et donc de nous adapter assez facilement à nos objectifs à long terme, de même qu’aux circonstances de la vie. C’est un avantage inestimable. 

Cultiver l’émerveillement et l’inoubliable

S’émerveiller, c’est désirer connaître. Voir les choses avec un regard nouveau nous permet de nous émerveiller de leur existence même, de désirer les connaître de nouveau, comme si c’était pour la première fois. 

– Cultiver l’émerveillement –

 

Ce n’est pas tout de passer du temps en famille, encore faut-il que ces moments ensemble soient de qualité. Et disons qu’à notre époque où règne la consommation rapide et jetable, la qualité n’est pas toujours une priorité (2)

Je crois que la majorité des gens sait très bien distinguer ce qui représente du temps de qualité en famille de ce qui n’en est pas. Néanmoins, à un certain point, malgré leur bonne volonté, plusieurs parents finissent par se laisser prendre par l’espèce de “lâcher prise” (ou endoctrinement) collectif qui emporte tant de familles dans notre société moderne. 

Je ne crois pas qu’il soit pertinent ici de présenter une liste de ce que je considère comme étant des moments de qualité en famille. Il existe suffisamment d’ouvrages sur le sujet pour qui souhaite s’inspirer un peu (3)

Ma façon d’aborder les moments en famille a considérablement changé depuis la lecture du livre “Cultiver l’émerveillement. Comment préserver la soif d’apprendre de nos enfants”, de Catherine L’Écuyer. À mon avis, ce livre met le doigt sur l’un des plus grands malaises de notre société et l’une des raisons derrière la détresse de tant d’enfants et de si nombreuses familles. Tout est dans le titre. J’ajouterais, toutefois, que ces leçons ne sont pas réservées uniquement aux enfants. 

Au risque de me répéter, ce devrait être un objectif – que dis-je, une mission ! – comme personne et comme famille que de chercher à entretenir “l’émerveillement” et la “soif d’apprendre”. À ne rien prendre pour acquis. Comme le dit l’auteure du livre, s’émerveiller, c’est “voir les choses avec un regard nouveau […] comme si c’était pour la première fois”. C’est aussi apprendre à faire preuve “d’humilité et de gratitude profondes” (p. 33). Je crois que nous avons tous et toutes grandement besoin de cultiver ces qualités dans nos vies, tout particulièrement envers nous-mêmes, envers nos enfants et dans nos relations de couple. 

Je crois, expérience à l’appui, que si on se donne sincèrement pour objectifs de mettre en pratique cette philosophie, on verra pousser dans nos familles et dans notre couple de plus en plus de moments inoubliables. Les habitudes néfastes pour notre bien-être deviendront progressivement sans intérêt, laissant place à de nouvelles habitudes plus saines, à une vie familiale plus gratifiante et plus riche de sens. 

Conclusion : nourrir le leg, une journée à la fois

Le plus beau leg que l’on peut faire à nos enfants, c’est celui d’une famille vivante, soudée, riche de ses valeurs, de son mode de vie et de l’amour qui coule à travers elle

– La famille résiliente –

Submergés par le quotidien, dérivant on ne sait trop où au gré du courant de la société moderne, nous en oublions notre rôle sur cette terre. Que nous sommes seulement de passage ici. Que nous partageons une immense responsabilité envers les générations futures. Nos enfants, certes, mais également les enfants de nos enfants, et leurs enfants à eux…

Cette responsabilité, c’est d’abord et avant tout dans nos familles qu’elle prend racine. Par le souci de léguer à la planète des êtres conscients, accomplis, qui prendront soin de la vie sous toutes ses formes. Des êtres en santé et heureux, qui pourront à leur tour partager à leurs enfants, et autour d’eux, l’amour qu’ils ont reçu. 

Pour conclure le premier article de cette série, je vous invite à réfléchir à votre responsabilité en ce monde et au leg que vous aimeriez pouvoir laisser derrière vous. Vous verrez peut-être un tout nouveau monde s’ouvrir à vous, une nouvelle aventure et, surtout, une incroyable opportunité de reconnecter avec votre famille

  1. Note importante : si j’ai tiré plusieurs conseils intéressants de ce livre, je tiens toutefois à y mettre un bémol. L’auteur ne s’en cache pas, c’est un livre qui vise strictement l’atteinte de la liberté financière à 45 ans. Pour l’atteindre, le livre propose de suivre le plan VEI (Valeur, Épargne, Investissement), qui exige de pouvoir “générer rapidement de la valeur. Très rapidement” (p. 103). À mon sens, cette vision comportent certains « pièges » auxquels le lecteur soucieux de cheminer vers la résilience doit être très attentif, notamment celui de “perdre” plusieurs années à travailler beaucoup trop et d’être très peu présent pour sa famille et ses enfants pendant les années les plus importantes de leur vie. 
  2. Petit exemple : au deuxième trimestre de 2019, le géant Dollorama affichait une hausse de ses profits de 24 %. La décision du détaillant d’accepter les cartes de crédit est l’une des raisons évoquées pour justifier cette hausse. Je crois que tout est dit…

  3. À ce sujet, je vous suggère entre autres le livre The Rythme of Family, de Amanda Blake Soule et Stephen Soule, ou encore le livre Slow, de Isabelle Huiban.